Ce matin-là, Théodoric était de méchante humeur. Il dardait sur ses frères un œil noir, malgré l’éclat azur de ses iris. Ses aînés riaient encore de leur mauvaise blague de la veille au soir, consistant à lui fourrer le plus de grains de raisins dans la bouche sans le réveiller. Évidemment, Théodoric avait bondi – nu comme un vers – en dehors de son lit lorsqu’il avait senti qu’il manquait d’air, bousculant au passage Valderic penché au-dessus de lui. Il avait craché près d’une dizaine de raisins par terre avant de hurler, furieux. Il avait réveillé la moitié de l’auberge en couvrant ses frères d’injures à en faire pâlir ces dames. Le jeune prince s’était recouché en colère et s’était réveillé de la même humeur : à deux doigts de frapper quelqu’un.

Après s’être équipé et sans adresser un mot à ses frères, il descendit dans la salle commune de l’auberge. Son pas était militaire, tempétueux. Tous savaient qu’il ne valait mieux pas parler au prince dont le tempérament était connu comme ombrageux ; celui-ci fit néanmoins l’effort de saluer Elyra avant de s’éclipser pour aller vérifier l’état des chevaux. Léoric lui avait exposé sa volonté ce matin : il partirait avec Valderic et quelques membres de leur équipage pour suivre le « chemin de la dame ». Ce passage mythique se trouvait à seulement quelques mètres de l’auberge. L’objectif était de devancer leur cortège, prévenir tout guet-apens et atteindre au plus vite Whitehall en se protégeant de la tempête de neige qui faisait toujours rage. Théodoric leva le nez vers le ciel gris dans lequel tourbillonnait d’épais flocons. Ses bottes s’enfoncèrent de plusieurs centimètres dans la neige, mais le prince y progressait avec habitude et aisance. Il aimait le froid et avait souffert de ce bref séjour dans le sud. Il se sentait intimement lié à la terre de ses ancêtres, tel l’ours qui ornait son blason. Il réalisa quelques vérifications d’usage auprès des palefreniers, vérifiant l’équipement de sa monture et des autres. Le prince avait un don avec les chevaux et toutes les créatures animales. Il ressentait leurs inquiétudes et leurs sentiments, comme s’il s’agissait d’une extension de lui-même, comme un étrange pouvoir au bout de ses doigts mais dont il n'avait jamais osé parler. À Nörse, la magie n'était pas vue du meilleur oeil.

Lorsqu'il eut terminé ses dernières vérifications, Théodoric rentra à l'intérieur. Sa cape était couverte de neige et ses bottes de cuir également. Il les frappa violemment sur le plancher sans aucune considération pour le bois qui émit des craquements en guise de protestation. Puis, il regagna la salle commune.

« Les chevaux sont prêts. » aboya-t-il, faisant sursauter les membres attablés qui ne l'avaient pas entendu arriver. Théodoric n'avait aucune envie de s'attarder plus longtemps dans cette auberge. Surtout qu'ils ignoraient ce qui pouvait les attendre dans ces tunnels. S'il était un secret pour la plupart d'entre eux, il n'était pas rare que des bandits s'y installent en pensant avoir affaire à un ancien poste de garnison abandonné. Ils allaient devoir être prudents.

Valderic, à son réveil était, au contraire de son jeune frère, d'excellente humeur. Il avait prit un grand plaisir au mauvais tour qu'il avait joué au pauvre Théodoric avec son frère aîné la veille au soir, même si cela avait été au détriment du repos de certains. Un sourire goguenard aux lèvres, il s'était habillé avec praticité plus que coquetterie et avait soigneusement choisi ses armes, le secret étant d'être suffisamment équipé en cas de besoin sans être surchargé d'un poids inutile et encombrant dans une telle aventure. Malgré son sérieux, il ne parvenait pas à se départir de son sourire tandis qu'il descendait les quelques marches menant à la salle principale de l'auberge où il s'adonna avec joie à réaliser le gage du perdant du défi de la veille, servant à son futur roi son petit-déjeuner avec tous les honneurs imaginables. Il prit tant de plaisir à la chose qu'il fit d'ailleurs de même avec Elyra, s'amusant de sa surprise et du trouble que cela semblait lui causer.

Sa future belle-sœur était une bonne âme qui l'avait accueilli en le saluant respectueusement tout en affirmant que ses prières accompagneraient leurs pas. Le prince était attendrit par la bonté dont elle était capable de faire preuve au quotidien, mais cela ne l'empêchait pas de voir en elle une potentielle petite sœur à embêter.

Prenant finalement place aux côtés de Léoric pour dévorer son propre petit-déjeuner, particulièrement copieux et calorique en prévision de la journée qui l'attendait, il avait adressé un sourire plein de charmes à Torah lorsqu'elle s'était avancée pour demander à faire partie de l'expédition, désireuse de rejoindre la cour de Whitehall au plus tôt disait-elle. Valderic fut alors prit d'un doute, venait-elle pour lui ou pour le Sandmar ? Vert de jalousie, il ravala son sourire et accepta toutefois, conscient que son acuité visuelle dans la pénombre pourrait s'avérer fort utile.

Lorsque Théodoric fit une entrée tonitruante, comme bien souvent, en déclarant que les chevaux étaient prêts, le jeune prince se releva aussitôt, adressant à son frère et sa fiancée un clin d’œil malicieux en lançant pour tout au-revoir :

"Pas de bêtises tous les deux."

Il savait pertinemment qu'Erys ne laisserait rien se produire mais s'amusa un peu de voir la jeune Elyra, ainsi que son frère, piquer un fard. Son sourire avait un goût amer mais il l'affichait toutefois, s'approchant bientôt de Torah pour l'aider à monter en selle, en profitant pour lui parler discrètement :

"Tu n'es pas obligée de venir. Tu devrais rester ici... En sécurité."

Il n'était pas assez fou pour le lui ordonner, sachant pertinemment la belle du désert trop entêtée et trop libre pour obéir à un ordre quelconque.

Enveloppé dans un épais manteau de fourrure sombre, Elias contemplait d’un regard mauvais le manteau blanc qui recouvrait le paysage alentour. Lui, qui n’était jamais monté plus haut que Hightower, peinait à se faire au climat. Chaque parcelle de son corps lui semblait poignardée par le froid. Même la nuit, il n’arrivait pas à se réchauffer. Alors, il collait systématiquement sa paillasse près de la cheminée au mépris de toutes les règles de sécurité.

Le Sandmar avait été réveillé par un garde Warflame dont la pression délicate sur l’épaule avait suffi à le surprendre ; le pauvre garçon avait manqué de se retrouver la gorge tranchée. Ce dernier bafouilla le message qui lui avait été confié par l’un des princes : sa présence était demandée dans le cadre d’une expédition. Il devait se tenir prêt. La blessure infligée lors de son duel avec Erys se rétablissait correctement grâce aux bons soins de Torah. Désormais, il était à nouveau capable de tenir une arme et de s’en servir. Depuis leur nuit de retrouvaille à Forestcave, les deux amants entretenaient des relations distantes. Malgré cela, il suffisait que leurs regards se croisent pour que l’air se charge d’une légère tension. Elias n’avait eu de cesse de lui montrer à quel point il la désirait et il savait – du moins le pensait-il – que les sentiments de Torah à son encontre étaient inchangés. Néanmoins, il lui laissait son espace et ne s'opposa pas à ce qu'elle rejoigne leur expédition.

Le départ avait été sonné par le plus jeune des princes, Thraedulf ? Théodore ? Tanguy ? Il n’arrivait pas à se le remémorer. L’homme n’était pas bavard et semblait plongé dans une colère permanente. Elias s’était donc dirigé à l’extérieur et le regretta instantanément. Ses bottes s’enfoncèrent dans la neige jusqu’au mollet et il tâcha d’avancer dans la poudreuse. Il évolua d’un pas maladroit jusqu’à son pur-sang pour le seller, s’interrompant dans sa marche en voyant Valderic s’approcher de Torah. Ses yeux se plissèrent tandis qu’il continuait à progresser, s’approchant de sa propre monture pour vérifier la selle. C’est là qu’il surprit l’échange entre son amante et le prince de Nörse. Aussitôt, il comprit et ses poings se contractèrent involontairement, son regard passant de l’un à l’autre. Non, il ne pouvait pas y croire. Qu’est-ce qu’un prince du nord pourrait bien trouver de charmant chez Torah ? Hormis ses lèvres bien sûr, ou ses yeux ambrés, ou bien encore sa peau d’une douceur de miel... Elias fronça les sourcils et fonça vers eux d’un pas aussi rapide que la neige le lui permettait. Pour qui se prenait-il ?

« Il y a un problème Monsieur ? » fit Elias avec sa voix légèrement teintée de son accent du pays des sables. Son cœur était déjà rongé par la jalousie à l’idée qu’il ait potentiellement pu partager sa couche. Cet insolent n’avait rien en commun avec sa Torah.

Torah depuis cette fameuse nuit de retrouvailles se sentait parfaitement idiote de voir cet amour d'adolescence renaître de ses cendres pour la laisser aussi idiote qu'au premier jour, aussi naïve... Elle se détestait pour les sentiments qu'elle éprouvait encore pour son ancien amant. Toujours est-il qu'elle gardait donc ses distances, ayant même découché deux nuits pour tenter de se prouver qu'elle n'était pas amoureuse, pas encore, plus à présent... Deux nuits où elle n'avait pas réussi à suffisamment se mentir à elle-même : il occupait chacune de ses pensées et chaque fibre de son corps lui réclamait ses bras. Elle qui multipliait les passades sans lendemain depuis des années se voyait totalement éprise.

A Forestcave, elle avait donc tenté de garder ses distances autant que possible avec le prince du désert ; son prince. Elle avait veillait de loin à ce que Cerha lui administre les bonnes plantes, convenablement préparées au préalable par ses soins. A leur départ, les choses avaient été plus compliquées. Tous deux s'étaient retrouvés en fin de cortège, avec Erys qui couvait la future dame de Whitehall du regard. Elias aurait probablement dû faire de même pour avoir été engagé pour protéger la jeune fille mais elle sentait bien que c'était sur elle et sur ses courbes que se posait son regard sombre. Heureusement, il dormait la nuit avec les soldats de Nörse quand elle louait sa propre chambre pour s'assurer un peu de tranquillité.

A mesure qu'ils progressaient vers le nord, l'ancien soldat rouge avait commencé à souffrir du froid, plus encore que Torah qui avait eu la chance de pouvoir s'enrouler dans une épaisse cape de fourrure apparut un beau matin devant sa porte, un cadeau dont elle connaissait la provenance sans se l'avouer. Comme à son habitude, Valderic la couvrait de présents qu'il savait utiles, connaissant son goût du pratique.

Ce matin-là, rejoignant la compagnie qu'ils formaient tous pour le petit-déjeuner, elle entendit parler de l'expédition prévue. Et quand elle su qu'Elias serait du voyage son cœur se serra et manqua un battement. Elle avait alors tout fait pour l'accompagner, incapable de le laisser seule. Et Valderic avait eu le bon goût de ne pas refuser auquel cas elle aurait tenté de les suivre jusqu'à Whitehall par la grande route en bravant la tempête si nécessaire, entêtée.

La ménestrel avait alors retrouvé les écuries où le prince Théodoric - qu'elle salua avec respect malgré sa mauvaise humeur visible - veillait aux derniers préparatifs. Elle avait commencé à seller sa propre monture avec soin et était sur le point de monter en scène quand Valderic la saisit légèrement par le bras pour lui parler à voix basse.

Le prince dans les bras duquel il lui était arrivé de s'abandonner était bienveillant et bien intentionné, comme à son habitude à son égard. Toutefois, elle était loin d'être une fleur fragile, elle avait assez voyagé et traversé assez d'épreuves pour s'endurcir. Elle savait même se défendre grâce aux deux poignards qu'elle gardait à la ceinture, une vraie fille du désert.

"Je sais veiller à ma sécurité votre Altesse."

Bien que ses mots soit clairs, sa voix était douce et rassurante. Si elle avait conscience de n'être pour lui qu'une créature exotique qui avait visité son lit, elle ne pensait pas pouvoir être davantage. A l'intervention d'Elias, elle n'eut pas besoin de le regarder pour sentir sa colère, il fallait qu'il se calme si il ne voulait pas faire fondre la neige.

"Non, aucun problème Elias, son Altesse s'assurait juste que j'étais consciente des risques que je prenais en vous accompagnant. Après tout, un souterrain est probablement au moins aussi malfamé que certaines rues ou routes que j'ai pu côtoyer au cours de mes voyages."

C'était un moyen de leur rappeler à tous les deux qu'elle savait se débrouiller seule.

Torah avait adopté un ton à la fois doux et ferme, leur rappelant à tous les deux qu’elle était en mesure de se défendre. De cela, Elias ne doutait pas. Il connaissait son éducation et l’intransigeance des Despiel au sujet des armes ; les poignards à sa ceinture n’avaient rien de décoratif. Non, ce qui dérangeait Elias c’était ce vautour de Valderic qui tournait autour d’elle avec ses sourires charmeurs et ses petites attentions. Le soldat du désert s’était approché de la monture de Torah, s’emparant des rênes avec autorité. Il glissa ses doigts sur les naseaux de la bête, rendue nerveuse par la neige qui tombait désormais en tourbillon autour d’eux, tentant de l’apaiser par quelques caresses. La tension était palpable entre les trois protagonistes. Tous les muscles d’Elias étaient tendus, meurtris par la jalousie qui tirait ses flèches empoisonnées. Rien que de l’imaginer avec lui le rendait fou de rage. Il tourna la tête vers Valderic, le regard flamboyant de colère tandis que les mots s’échappaient soigneusement de sa bouche :

« Je me porte garant de sa sécurité, vous n’avez plus à vous en soucier Votre Altesse. »

Le message était clair. Maintenant qu'il était de retour, il voulait que Valderic reste loin d'elle. Sa sécurité n'était plus son problème désormais.

Après l'interruption du Sandmar, Valderic relâcha doucement le bras de Torah, se sentant contrarié par cette intervention inopportune. Les paroles de la jeune femme résonnaient dans sa tête, lui rappelant qu'elle était loin d'être une demoiselle en détresse à protéger. Elle avait déjà affronté de nombreuses situations périlleuses par le passé, et elle était plus que capable de se défendre.

Pourtant, malgré sa détermination et sa fierté, Valderic ne put réprimer un frisson de jalousie à la vue d'Elias, l'homme que Torah semblait avoir choisi. Cette jalousie, mêlée à son irritation, était un mélange explosif qui menaçait de déborder à tout moment.

Il serra les mâchoires, réprimant ses émotions autant que possible, fixant intensément Elias avec un regard qui trahissait son ressentiment. Puis, il déclara d'une voix tendue :

"Bien. Comme il vous plaira."

C'était comme s'il se résignait à accepter la situation, même s'il bouillonnait à l'intérieur. Torah, comme tant d'autres avant elle, n'était qu'une passade dans sa vie, une amante parmi d'autres. Il se devait de respecter son bonheur, même s'il en souffrait.

Avec une colère contenue, Valderic se détourna de la scène, rejoignant son frère cadet et montant en selle avec un geste sec, ordonnant le départ d'un ton abrupt. Ses émotions tourmentées tournoyaient en lui alors qu'ils se mettaient en route, mêlant la colère à la frustration et à la tristesse.

Torah observait les deux hommes se faire face avec une impuissance mêlée d'exaspération. Elle aurait aimé mettre les choses au clair, affirmer sa liberté et son indépendance, mais la tension entre eux était déjà bien assez palpable à son goût. Elle fut donc soulagée de voir Valderic tourner les talons, même s'il semblait furieux. Se raclant la gorge pour attirer l'attention, elle lança avec ironie :

"Je suis là, Elias, au cas où tu l'aurais oublié dans ce magnifique spectacle que vous venez de nous offrir. Il n'était nullement nécessaire de te porter garant de moi ou de ma sécurité."

Montant souplement en selle, agacée, elle rejoignit le petit équipage qui se mettait lentement en route malgré le froid et la tempête. Chaque bourrasque était une gifle glacée qui la heurtait en plein visage, et la neige tombait en lourds flocons, épaississant le manteau blanc dans lequel les pattes des chevaux s'enfonçaient péniblement. Heureusement, ils ne durent affronter la fureur glacée des anciens Dieux que pendant quelques mètres avant de pénétrer, à la surprise générale, dans un tunnel secret.

À l'intérieur, l'air était froid mais bien moins mordant qu'à l'extérieur. L'obscurité était profonde, mais la vue de Torah s'habitua rapidement à la pénombre environnante.

Sa confrontation avec Valderic avait laissé Elias dans un certain état de colère. Le prince s’était éloigné sans chercher à le provoquer, rendant – pour le moment – les armes en ce qui concernait Torah. L’homme du désert se moquait bien des états d’âme du prince des glaces, écoutant égoïstement la jalousie qui le poussait à agir comme un imbécile. Torah n’eut pas la même clémence et le rappela à l’ordre avec dureté. Il se contenta de lui lancer un regard furieux, ravalant pour lui les mots qui menaçaient à tout instant de percer la barrière de ses lèvres. D’un pas maladroit, il revint à sa monture, manquant de glisser dans la neige épaisse qui entravait ses pas. Il s’en agaça un instant avant de monter en selle d’un geste souple, faisant pivoter son cheval pour rejoindre le reste du groupe.

Il avait craint de devoir affronter la neige pendant des heures, celle-ci tombant abondamment. Pourtant, ils débouchèrent quelques minutes sur une clairière dont les arbres épais couvraient l’entrée d’un passage taillé dans la roche. Même Élias dû s’avouer impressionné. Deux membres de la garde mirent pied à terre et s’empressèrent de retirer les branchages pour permettre au chevaux monture d’entrer et, bientôt, leur groupe pénétra dans la grotte. Le passage était assez large pour chevaucher à deux, côte à côte. Le Sandmar fut soulagé d’être abrité de la tempête et prit place à côté de Torah en silence. Son sabre battait lourdement sur son flanc, prêt à être dégainé au moindre obstacle rencontré. Pourtant, la seule inquiétude qui vrillait son cœur était que son amante ne puisse avoir des sentiments pour un autre. Il savait que c’était injuste de sa part, qu’il avait perdu tout droit à la jalousie et pourtant… Élias n’osait ouvrir la bouche. La grotte était un lieu propice au silence et aux échos et il n’avait aucune envie qu’on l’entende. Pourtant, il murmura entre ses dents : « Il t’intéresse ? » son ton vibrait encore d’une colère mal contenue.

Torah gardait le silence en scrutant l'obscurité qui s'était refermée sur eux. Abritée de la tempête, la petite compagnie pouvait désormais chevaucher d'un pas tranquille dans la grotte qui s'enfonçait sous terre. La ménestrel, habituée aux grands espaces et à l'air libre n'était pas à son aise et communiquait son angoisse à sa monture bien malgré elle. Aux mots d'Elias, son regard noisette chercha le sien, elle haussa les épaules en cherchant des yeux l'intéressé par pur réflexe.

"Pas plus qu'un autre non."

Sa réponse était sincère. Elle n'était pas particulièrement sensible à la richesse, au rang ou aux cadeaux, même si ceux-ci avaient été nombreux de la part de Valderic. Cependant, comme avec d'autres, elle s'était laissée emporter dans ses bras, avait donné et reçu en retour. Elle avait été charmée, comme tant d'autres avant elle. Mais maintenant, cela avait perdu de son sens à ses yeux.

"C'est un bon amant toutefois", ajouta-t-elle d'un ton neutre et détaché.

C'était également vrai. Après tout, Valderic avait une réputation de séducteur et de nombreuses conquêtes à son actif, ce qui jouait probablement en sa faveur. Mais Torah devait admettre qu'il avait été attentif à elle d'une manière que peu d'hommes avaient été. Cela expliquait en partie pourquoi leur relation avait pu trouver un semblant d'équilibre. Après tout, elle avait aussi ses propres désirs en tant que femme.